Là bas le Tour de France

Le petit village de Tièlo, en bordure de forêt équatoriale, vient d'être dévasté par les hommes de Maa Ngala. C'est le jeune Issa qui nous raconte l'histoire. Il explique que le massacre aurait pour cause le Tour de France. Et pour comprendre, Issa nous raconte l'histoire de son grand-père Dahirou, élève de l'école de Fanfa, du temps où son pays était encore une colonie française. A la fin des années 50, Monsieur François, jeune coopérant, fonde une école à Fanfa en pleine brousse. Afin de permettre à tous les élèves de s'y rendre il leur procure des vélos. Passionné lui-même de cyclisme, il va vite organiser des courses pour les enfants et même un Tour de France sur le modèle de celui de la métropole. Mais ce Tour aura aussi des vertus éducatives. Le trajet du Tour en France est reproduit dans la brousse et les étapes rendent hommage aux penseurs humanistes, comme Montaigne, Rousseau ou Montesquieu, en passant dans leur ville. Monsieur François, investi de cette œuvre civilisatrice, ne transige pas avec les valeurs républicaines et tient à faire de tous ses élèves des citoyens libres et égaux. Mais très vite ce zèle républicain, ne plaît ni aux autorités françaises, ni aux indigènes et encore moins aux colons français. Un jour Monsieur François est retrouvé assassiné devant son école de Fanfa qui vient d'être incendiée. Nul ne sait qui l'a tué. Le jeune Issa continue de raconter l'histoire de son grand-père Dahirou. Après le meurtre de Monsieur François, grâce à un bon niveau scolaire, il est accepté au lycée français de la capitale et se rend ensuite en France, à Paris, où il commence à la Sorbonne des études de droit pour devenir avocat. Mais, dans la patrie des Droits de l'homme, il prend vite conscience que sa couleur est un réel handicap. Tout en travaillant dans un restaurant pour payer ses études, il reprend le vélo et s'entraîne dur pour qu'on puisse réellement le voir performant et le reconnaître enfin comme un citoyen valeureux et véritable. Il décide même de suivre le Tour de France et d'en faire certaines étapes lui-même. Il sera victime d'attaques racistes qui vont un temps le déstabiliser. Par la suite il deviendra avocat et plaidera pour les pauvres, les déshérités et les émigrés qui commencent à déferler à Paris en ce début des années 60. Malgré de nombreuses déconvenues, souvent très douloureuses, Dahirou ne renonce pas à son idéal ou le sport se confond avec cet héritage des principes de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. De retour dans son village à Tiélo Dahirou crée à nouveau une école qui se donne la même mission civilisatrice que celle de Monsieur François. Grâce à la télévision tous les anciens de Fanfa peuvent mettre enfin des images sur le Tour de France. S'inspirant de l'expérience de Voltaire au village de Ferney Dahirou développe Tiélo et améliore notablement les conditions de vie des villageois. Il propose aussi aux enfants et à son petit-fils Issa d'organiser autour du village un Tour de France comme l'avait fait vingt ans plus tôt l'instituteur français Monsieur François. Malgré les vives oppositions d'une partie du village, le chef Koudou et le sorcier Mamba notamment, la nouvelle organisation semble se mettre en place paisiblement. Jusqu'au jour où les élections présidentielles arrivent au village. Les sbires de l'actuel président, qui s'attache au pouvoir, n'apprécient pas que les villageois aient votés contre lui. Aux ordres du chef militaire Maa Ngala, ils détruisent le village. Les habitants sont décimés, Issa se retrouve seul dans ce village détruit. Le bel idéal de l'école républicaine de Fanfa et toutes les valeurs du Tour semblent définitivement perdues.