Où le blanc jasmin à la rose s'assemble

Comment je suis devenue son amie ? Je m'en souviens encore aujourd'hui. Nous étions, ce jour-là, trois camarades, blonds comme l'orge et forts de nos ressemblances. Nous avions fait de cette petite fille si différente de nous, notre souffre-douleur. Un jour, vers la fin de la classe, pendant la dernière récréation, nous avions décidé d'enfermer Laura dans l'un des placards malodorants de la cantine. Elle avait supplié de ne pas lui faire du mal, de ne pas l'enfermer et nous avions ri - le cœur en berne, en lui promettant mille frayeurs. Pendant quelques minutes, elle s'était débattue, tapant sur le dos de la porte et pleurant : elle avait peur du noir. Nous aussi, mais nous étions au-dedans du jour, joyeux malgré notre mauvaise conscience. Et puis, le silence. Un de ces silences qui vous inonde de mal-être. Nous nous sommes dispersés comme les aigrettes du pissenlit, filant aux vents, la laissant seule dans son obscurité. Moi seule étais revenue plus tard à pas de loup, pour vérifier qu'elle s'en était allée. La porte du placard était close, je l'avais donc entrouverte. Laura y était encore, assoupie, la tête contre le mur étroit, les paupières frémissantes et les joues brillantes de larmes. Je l'avais doucement secouée, afin de la réveiller. Tout emplie de ses pleurs, elle avait murmuré : -Maman ? Et j'en étais restée bouche bée, étourdie par ce mot qui ne m'était pas destiné, les yeux troublés par l'eau qui, goutte à goutte, sourdait et jaillissait maladroitement, en hoquetant : -Non, c'est moi, Audrey. Elle s'était levée brusquement, honteuse et s'était reprise en m'apercevant. -Non ! Ne m'enferme plus ! S'il te plaît... Alors ma tour de Babel s'est effondrée et je lui ai pris la main en lui jurant que pardon, pardon, je ne te ferai plus de mal à partir d'aujourd'hui, promis.